Climat : faut-il faire payer les riches ?

Lucas Chancel est économiste, spécialiste des inégalités et de l’environnement. Il est notamment co-directeur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à l’Ecole d’Economie de Paris (PSE). Il est l’un des auteurs, avec Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman du Rapport mondial sur les inégalités.

Voici quelques idées extraites de son entretien diffusé par "Chaleur Humaine"

https://shows.acast.com/chaleur-humaine/episodes/climat-faut-il-faire-payer-les-riches

A méditer....

Si les français émettent en moyenne 9 t CO2 /an, les 50% les plus pauvres de la population française n’émettent en moyenne que 5 t CO2 par an mais les 10% les plus riches émettent eux 25 t CO2 par an.

A souligner : dans l’accord de Paris, le point d’étape français prévoit que les émissions moyennes doivent être réduites à 5 t CO2 / an en 2030 Qui a déjà atteint cet objectif ? Qui doit supporter les efforts à faire pour y arriver ? L’ensemble de la population, dont les 50% les plus pauvres, ou les 10% les plus riches ?

Par ailleurs, les 50% les plus pauvres n’ont pas les moyens financiers pour mobiliser des solutions alternatives pour émettre moins (changer de voiture, isoler son logement, changer son alimentation…). D’où une des racines du mouvement des gilets jaunes : obligation de se déplacer pour vivre, sans les moyens pour faire la transition vers une mobilité « propre » (idem pour la réduction des consommations des habitations).

Le financement de la transition doit se faire sur une base de justice sociale : les plus riches doivent contribuer plus fortement que les plus pauvres. L’impôt progressif est l’outil qui a été créé pour cela (pour financer la guerre de 14-18, à l'origine…).

Taxer l’énergie n’est pas une solution socialement équitable puisque les plus riches n’en subiront quasiment pas l’impact quand les plus pauvres ne pourront la supporter. S’il y a taxe sur l’énergie, il faut qu’elle soit progressive en fonction du niveau d’émission. Par exemple, il n’est pas socialement juste que les vols aériens soient exemptés de taxe CO2 quand celle-ci impacte les véhicules diesel.

De toute façon la transition se fera, comme elle s’est faite à la fin du XIXème siècle entre le bois et le charbon. Si elle n’est pas accompagnée socialement les impacts sociaux seront comparables au chaos social décrit par Zola ou Dickens.